Actualité

La victime serait-elle désormais tenue de limiter son dommage dans l’intérêt du responsable ?

Quand le principe de non mitigation appliqué au préjudice professionnel se réduit comme peau de chagrin…

Par un arrêt en date du 21 décembre dernier, la Cour de cassation a censuré une cour d’appel pour avoir indemnisé le préjudice professionnel d’une victime ayant perdu son emploi en raison de ses séquelles mais pouvant théoriquement exercer une autre activité professionnelle compatible avec son état de santé, en jugeant qu’il convenait d’établir que la victime se trouvait privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle pour l’avenir.

Or la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. Appliqué préjudice professionnel, cela signifie que la perte de gains est constituée dès lors que, depuis la consolidation de ses blessures, la victime n’est plus en mesure d’exercer une activité professionnelle dans les conditions antérieures du fait de son incapacité permanente (Crim., 4 mars 2014, pourvoi n°13-80.472).  C’est la raison pour laquelle, il est indifférent que la victime justifie d’une recherche d’emploi compatible avec les préconisations de l’expert (Crim., 4 mars 2014, pourvoi n°13-80.472) ou qu’elle ait refusé un poste proposé par l’employeur (Civ.2ème, 26 mars 2015, pourvoi n°14-16.011).

Pourtant réaffirmé récemment en matière de tierce personne (pas d’obligation de se faire livrer des courses, Civ. 2e, 15 décembre, n°21-16.609), la Cour de Cassation qui devrait se poser en gardienne du principe de réparation intégrale, semble donc plus sévère en matière de pertes de gains.

Cette tendance est aussi regrettable que dangereuse en ce qu’elle risque de conduire vers une évaluation in abstracto de la capacité théorique de la victime à retravailler, la contraignant par voie de conséquence à accepter des postes qu’elle n’aurait jamais choisis ou acceptés si l’accident n’avait pas bouleversé sa vie.

Cass, Civ 2, 21 décembre 2023, n°22-17.891