Le Cabinet a obtenu, par arrêt rendu le 4 mars 2025 par la Cour d’appel de Bordeaux, la confirmation d’un jugement de première instance octroyant à une victime tétraplégique une indemnisation intégrale de ses préjudices, à la suite d’un grave accident de la circulation survenu à Urt (Pyrénées-Atlantiques). Cet arrêt marque une étape importante, tant sur le plan juridique que sur le plan humain, en consacrant le droit à une réparation pleine, actualisée et respectueuse de la réalité du handicap et des répercussions concrètes de celui-ci dans sa vie quotidienne.
Dès l’origine, l’assureur a opposé une attitude contestataire systématique, sollicitant une contre-expertise en remettant en cause non seulement les constats médicaux, mais également les besoins humains de la victime, sa sincérité, et même l’objectivité de l’expert judiciaire.
L’assureur avançait des critiques visant la méthodologie et les conclusions de l’expert, notamment sur la qualification de la tétraplégie, l’évaluation du taux de déficit fonctionnel permanent (DFP), l’utilité de certains équipements (comme la piscine) et, surtout, le nombre d’heures d’aide humaine quotidiennes fixées à 40 heures par jour toutes aides comprises (aide personnelle, aide à la parentalité, infirmières, aides-soignantes, etc.).
La Cour a estimé que ces griefs, reposant sur des rapports unilatéraux non contradictoires, ne remettaient pas en cause la fiabilité du rapport d’expertise judiciaire, lequel s’appuyait sur un examen clinique circonstancié et des constats concordants avec d’autres praticiens, y compris ceux évoqués par Allianz elle-même.
Surtout, la Cour a exercé pleinement son pouvoir souverain d’appréciation, retenant que le rapport ne présentait aucune carence procédurale ni contradiction rendant sa réutilisation impossible, et qu’il suffisait à fonder sa décision.
Concernant l’aide humaine, la Cour a expressément tranché le différend, validant une assistance de 32 heures par jour, dont 25 heures à un tarif spécialisé (organisme intervenant), et 7 heures au tarif standard. Elle a refusé toute distinction entre heures de jour ou de nuit, actives ou passives, considérant l’aide spécialisée comme indispensable à tout moment au vu de la gravité du handicap.
Ce faisant, la Cour a confirmé la pleine valeur probante de l’expertise judiciaire, désavouant la stratégie de l’assureur visant à en minimiser la portée au moyen d’une contre-expertise, et réaffirmant que seule une irrégularité procédurale ou une incohérence manifeste justifierait d’écarter un tel rapport – ce qui n’était nullement le cas ici.
La Cour a fermement rejeté cette demande, considérant que le rapport existant était complet, motivé et conforme aux règles de procédure. En cela, elle a rappelé le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, et opposé un désaveu clair à une stratégie dilatoire fondée sur la suspicion généralisée.
Sur le fond, la Cour a confirmé l’intégralité des postes de préjudices reconnus en première instance, notamment :
- Le besoin d’une aide humaine permanente, y compris en doublon pour les transferts et les soins lourds, mais encore le besoin d’accompagnement extérieur pour les déplacements et la tierce personne de parentalité, validant le temps nécessaire pour accompagner sa fille au quotidien ;
- Une rente mensuelle pour les besoins en aide humaine de 25 414,12 € ;
- La reconnaissance de tous les préjudices personnels, notamment les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d’établissement, le préjudice sexuel, et les troubles dans les conditions d’existence.
S’agissant tout particulièrement du logement, la Cour a confirmé l’indemnisation intégrale du préjudice lié à l’adaptation du logement de la victime, à hauteur de 776 356,15 €, ainsi qu’un surcoût de taxe foncière de 6 849,85 € (intégrant l’actualisation et la capitalisation). Cette somme couvre les aménagements nécessaires à la vie quotidienne d’une personne tétraplégique totalement dépendante :
- Lien direct avec l’accident : la Cour a jugé que M. Bren, qui vivait auparavant en caravane et travaillait en extérieur, n’aurait pas eu à acquérir un logement fixe et adapté sans l’accident. L’achat du logement et ses aménagements sont donc imputables à 100 % au fait dommageable.
- Rejet de l’argument d’Allianz : l’assureur soutenait que M. Bren aurait pu, indépendamment de l’accident, devenir propriétaire un jour. La Cour a balayé cette hypothèse spéculative, faute de preuve d’un tel projet au moment du sinistre.
- Inclusion d’une piscine adaptée : l’installation d’une piscine, prescrite par l’ergothérapeute pour soulager les douleurs et permettre des moments de plaisir familial, a été jugée utile, justifiée et nécessaire à la qualité de vie du demandeur. La Cour l’a donc intégrée dans le coût global du logement adapté, rejetant les objections d’Allianz quant à sa dangerosité supposée.
- Prise en charge du surcoût fiscal : le passage d’un terrain nu à une propriété bâtie engendrant un surcroît de taxe foncière a également été indemnisé, reconnaissant l’impact économique durable de la perte d’autonomie.
La Cour a également accédé à la demande d’actualisation de tous les montants au jour de la décision, revalorisant significativement les sommes dues – à titre d’exemple, l’aide humaine avant consolidation a été portée de 580 358,62 € à 667 032,15 €, au regard de l’érosion monétaire.
Enfin, et c’est l’un des points les plus notables de cette décision, la juridiction a appliqué la sanction prévue par l’article L. 211-13 du Code des assurances : le doublement du taux d’intérêt légal, en raison du caractère manifestement insuffisant et incomplet de l’offre d’indemnisation formulée par l’assureur. Elle a en outre décidé que les intérêts moratoires courraient à compter du jugement de première instance, tout en précisant que l’assiette de ces intérêts devait porter sur l’ensemble des sommes allouées en appel, ce qui renforce concrètement la sanction financière pesant sur l’assureur.
Au-delà de ces aspects techniques, le Cabinet se réjouit d’avoir accompagné cette victime dans un combat long, éprouvant, et marqué par de nombreuses remises en question injustifiées. Cette décision judiciaire aurait dû mettre un terme à des années d’incertitude et de refus de reconnaissance. Elle constitue une victoire profondément humaine, en rendant justice à une personne qui doit désormais vivre avec une dépendance totale, et qui, grâce à cette décision, pourra bénéficier de l’accompagnement, du matériel, et des aides nécessaires à sa dignité et à sa qualité de vie.
Cependant, malgré cette victoire essentielle, l’assureur a formé un pourvoi en cassation, dont les motifs ne sont pas encore connus à ce jour. Ce nouveau recours, qui prolonge inutilement la procédure, constitue une épreuve supplémentaire pour la victime, alors même que l’arrêt de la cour d’appel consacrait de manière claire et définitive ses droits à indemnisation intégrale.