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Victimes par ricochet : la souffrance ne se mesure pas à l’état civil

Dans un arrêt rendu le 28 mai 2025 (Cass. 2e civ., n° 23-19.468), la Cour de cassation rappelle avec fermeté que la qualité de victime par ricochet ne dépend pas du seul lien de parenté, mais de l’existence d’un préjudice d’affection personnel, direct et certain, démontré par les faits.

Les juges du fond avaient rejeté la demande de proches de la victime au motif que les pièces produites « ne démontrent pas l’existence de liens de parenté avec le défunt ». La Cour censure cette motivation, estimant que les juges auraient dû vérifier si un préjudice d’affection pouvait être établi, indépendamment de l’absence de lien juridique. Elle énonce clairement, au point 12 de la décision :

« En se déterminant ainsi, sans rechercher si les éléments produits permettaient de justifier, malgré l’absence de lien avéré de parenté avec le défunt, l’existence d’un préjudice d’affection direct et certain […], la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. »

La cassation était donc inévitable.

Ce rappel est bienvenu à un moment où l’on voit se multiplier les tentatives, notamment du côté des assureurs, de restreindre le périmètre des victimes par ricochet, en imposant des critères figés, souvent contraires au droit commun. Certains barèmes internes limitent l’indemnisation aux seuls membres de la famille « légale », en écartant fiancés, concubins, proches aidants ou amis de longue date, quand bien même ils auraient partagé une vie affective, stable et intense avec la victime directe.

Or, comme le rappelle le référentiel Mornet, la reconnaissance d’un tel préjudice repose d’abord sur la réalité du lien vécu. Le droit ne fixe aucune liste limitative de personnes recevables à agir. Il demande seulement la preuve d’un préjudice moral personnel, ce qui suppose un lien affectif réel et une atteinte certaine.

Il est donc essentiel de rester vigilant. Le droit commun offre un cadre clair et équilibré : il ne s’agit pas d’ouvrir l’indemnisation à tous, mais de garantir que les relations humaines réelles, et non les seules classifications administratives, fondent le droit à réparation.

Dans cet arrêt du 28 mai 2025, la Cour de cassation rappelle avec force que la souffrance d’un proche ne se mesure pas à l’état civil, mais à la force du lien. Il appartient aux praticiens du droit de veiller à ce que ce principe reste vivant, face aux tentatives de réduction économique de la solidarité réparatrice.

https://www.courdecassation.fr/decision/6822d6d873e5caa2d8689e1e