Le 30 avril 2025 (Cass. 2e civ., n° 22-21.341), la Cour de cassation a valide le refus d’autoriser un avocat à assister son client pendant l’examen clinique au cours d’une expertise judiciaire psychiatrique. Pour justifier cette exclusion, elle affirme que les autres phases de l’expertise (anamnèse, doléances, discussion médico-légale) suffisent à garantir le respect des droits de la défense.
Mais cette position soulève de sérieuses préoccupations, notamment en matière de psychiatrie où l’examen clinique ne se limite pas à une évaluation purement médicale.
Dans la pratique, comment distinguer clairement l’examen clinique de l’anamnèse ou du recueil des doléances, surtout lorsque le discours du patient fait partie intégrante de l’évaluation médicale ? L’interrogatoire, l’observation, l’écoute des mots et silences : tout cela compose la « matière première » de l’expertise psychiatrique ou neuropsychologique.
Dans ces cas, l’entretien est le cœur de l’examen, et il est souvent difficile pour la victime de se défendre seule face à des formulations techniques, des biais inconscients ou des pressions implicites. L’avocat ne vient pas perturber le processus : il garantit l’équilibre, prévient les dérapages, et permet une vraie égalité des armes dans une phase aussi déterminante.
Exclure l’avocat de cette phase, c’est nier la complexité du psychisme humain et priver la victime d’un accompagnement essentiel à sa sécurité juridique. L’expertise devient un huis clos médical, où la victime est seule à devoir se défendre face à une procédure qu’elle ne maîtrise pas.
Opposer les droits de la défense (article 6 CEDH) au secret médical (article 8 CEDH), pour mieux limiter le premier, est juridiquement contestable et humainement regrettable. Le secret médical vise à protéger la victime, non à l’isoler.
Cette décision, si elle venait à se généraliser, affaiblirait la position des plus vulnérables dans les expertises, là où justement la présence d’un avocat est la plus légitime.
C’est pourquoi, le débat sur le rôle de l’avocat en expertise ne doit pas être clos par cette décision. Au contraire, elle doit inciter tous les avocats de victimes à redoubler de vigilance. L’avocat ne peut être vu comme un intrus : il est le garant des droits fondamentaux de la victime, qu’il accompagne et défend parfois depuis des années.
Car dans un système qui prétend réparer les préjudices, peut-on vraiment accepter qu’une victime soit exclue de sa propre défense, au moment précis où tout se joue ?
https://www.courdecassation.fr/decision/6811bc3412a37cea68763df